La vie quotidienne

La vie de d'Elie et Florentine ne se résumait pas seulement au gardiennage de cette grande demeure. Mon grand-père cultivait un immense potager pour les besoins des patrons et dont mes grands-parents bénéficiaient également. Si les cultures nécessitaient un espace plus important, elles étaient faites dans des champs dispersés dans la campagne alentour. Je me souviens d'un champ de pommes de terre, un autre où s'alignaient les rangs de carotte, lisettes (betteraves fouragères) destnées aux animaux, les choux verts dont on se régalait des feuilles les plus tendres (yeux de choux) etc... Tous les mercredis, mon grand-père se rendait à Palluau distante de 10 km, à vélo puis par la suite à solex, quelque soit la saison et le temps. Il entretenait le jardin attenant à la maison A. et assurait des travaux d'entretien. 

Le premier travail de ma grand-mère était d'allumer le feu de cheminée, été comme hiver. Le cheminée servait à chauffer, éclairer, cuire les aliments, toujours garnie d'une chaudron ou d'une marmite, pour la soupe, la vaisselle ou pour les animaux. La café du matin, une cuillère de chicorée mélangée avec du café moulu maison dans un pot en terre rempli d'eau, chauffait collé aux braises. Une fois chaud, on mélangeait le tout, on passait au-dessus du bol, on rajoutait du lait ... frais et voilà ! pas toujours très famaux, vous vous en doutez. Par contre, une tatine de pain de 4 livres grillée au feu de bois, alors là .... un délice.  Et en route pour la journée.

Une fois la maison rangée, Florentine partait traire les deux vaches que mes grands-parents possédaient. Pas très loin, l'étable cotoyant la maison. Puis elle vendait le lait. Un petit défilé d'habituées venait tous les matins acheter leur ration quotidienne, parfois ils repartaient avec quelques oeufs ou un peu de crème. On échangeait aussi les nouvelles du bourg.
L'hiver les bêtes restaient à l'étable, nourries de foin et de betteraves fourragères. L'été, les bêtes paissaient dans les prés. Si l'endroit se situait pas très loin, elles restaient plusieurs semaines et ma grand-mère allait les traire sur place. Si au contraire le pré était éloigné, elle allait les conduire le matin et retournait les chercher le soir, pour ne pas avoir à porter les lourds seaux de lait.

Je voudrais faire ici une petite parenthèse concernant l'appelation des dépendances, d'ailleurs rebaptisées remises. L'étable s'appelait l'écurie ou chambres aux vaches, par la même occasion on disait la chambre aux bûches pour le bucher, ou chambre aux patates, là ou on stockait les pommes de terre. Je profite de cette parenthèse pour souligner, dans un autre domaine bien sur,  que dans les fond s de campagne  on distinguait les femmes en féminisant le nom de leur mari, par exemple, on appelait souvent ma grand-mère, la mère Potère. Mais dans le bourg, on parlait beau alors elle s'appelait, la mère Potier, ou pour les plus familier, Florentine ... quand même !

Donc, une fois tout ce petit monde parti, il fallait nourrir la basse-cour, préparer le déjeuner. L'après-midi Florentine allait aider mon grand-père aux champs ou dans le grand jardin et rentrait pour la traite du soir. Derrière l'écurie, encore un jardin, royaume des haricots verts, sitôt un carré fini, en arrivait un autre puis un autre. Et tous les jours, il fallait cueillir les haricots verts, le pourquoi de sa proximité avec l'habitation.

La mère Potier,  avait aussi une autre activité, elle tuait et plumait  volailles et lapins pour qui le souhaitait, souvent des maîtresses de maisons bourgeoises de Legé. Il n'était pas rare que le vendredi ou le samedi, on la sollicitait pout cette tache ingrate. Mais l'approche des jours de fêtes multipliait les demandes. En été, l'opération s'effectuait dehors. Mais en hiver la maison devenait un véritable chantier. Les plumes volaient partout, l'odeur des duvets roussis à la cheminée emplissait la pièce. Et il fallait se souvenir de qui avait apporté quoi, pas question de tromper de propriétaire. Cela remplissait sa petite cagnotte.

Elie entretenait le jardin potager, un immense jardin bien ordonné avec ses carrés de légumes, bordés de fraisiers ou d'herbes aromatiques, avec au milieu un mini champs réservé aux pommes de terre parsemé de cerisiers et de pommiers, seul endroit ou la charrue tractée par un cheval intervenait avant l'acquisition bien tardive d'un motoculteur. Pas de désherbant, la binette faisait son oeuvre, pas d'engrais, le tas de fumier en témoignait, pas d'arrosage automatique, une mare dans laquelle chaque soir mon grand-père remplissait les arrosoirs. Un travail éreintant, une surveillance constante pour obtenir les légumes dans les meilleures conditions.
Quand il n'était pas dans ce jardin, Elie allait dans les champs pour veiller aux cultures plus "intensives", pommes de terres ( encore), lisettes, sorte de choux-rave destinés au bétail, carottes et autres légumes constituant les stocks d'hiver.
Et puis, l'entr'aide dans les autres métaieries pour les foins, vendanges, moissons ou ramassage du bois.

La vie se déroulait ainsi, au fil des saisons. Petit à petit, on découvrira d'autres facettes de leur vie faite de traditions, de rituel et de labeur.

Rue des Sables

  1    Avant-Propos                                                                                           
  2    Sommaire                                                                                                 

  3    Elie et Florentine                                                                                    
  4    Métayers et domestiques                                                                        
  5    La grande maison                                                                                    
  6    La vie quotidienne      
  7    Jour de lessive et des haricots blancs
  8    Jour de foire
  9    A l'ombre du clocher